Au Québec on a souvent tendance à penser que nos lacs sont des lacs profonds aux eaux naturellement limpides. C’est pourtant loin d’être le cas. La majorité de nos lacs sont des lacs peu profonds, soit des lacs ayant une profondeur moyenne de moins de 5 m. Fait important, les lacs les plus dégradés ou présentant des problèmes sérieux, sont des lacs peu profonds.
DE QUOI PARLE-T-ON
En regardant l’eau d’un lac peu profond, pourtant eutrophe, on peut voir une eau cristalline, des plantes submergées, des poissons qui s’élancent et de petits animaux qui se déplacent. Mais plus souvent qu’autrement, cependant, l’eau est trouble, du fait de la présence d’algues et de particules de sédiments en suspension.
Fait surprenant, la science nous mentionne que les situations intermédiaires entre ces deux extrêmes semblent relativement rares. Cette impression peut résulter de notre tendance à dichotomiser pour tenter de simplifier la complexité de notre environnement, mais au contraire, les recherches suggèrent que dans ce cas, il y a une part de vérité dans la dichotomie. Les deux situations représentent des états écosystémiques très contrastés, tous deux dotés de mécanismes de rétroaction stabilisateurs.
Dans le cas d’un lac aux eaux troubles, le développement de la végétation submergée est freiné par les faibles niveaux de lumière sous l’eau. Les sédiments, alors non protégés et stabilisés par la présence de végétaux, sont fréquemment remis en suspension par l’action des vagues, mais aussi par les poissons brouteurs à la recherche de nourriture sur le fond, ce qui entraîne une remise en suspension des sédiments fins. Il en résulte une diminution supplémentaire de la transparence.
Puisqu’il n’y a pas de plantes pour leur servir de refuges, le zooplancton est alors brouté par les poissons. À de faibles densités, le zooplancton est incapable de contrôler les proliférations d’algues.
LE RÔLE DES PLANTES AQUATIQUES DANS LES LACS
En revanche, l’état clair des lacs eutrophes peu profonds est dominé par les macrophytes aquatiques. Les lits de mauvaises herbes empêchent la remise en suspension des sédiments, absorbent les nutriments contenus dans les sédiments et dans l’eau, et fournissent un refuge pour le zooplancton contre la prédation des poissons.
Compte tenu de ces mécanismes de rétroaction, il n’est pas surprenant que les lacs peu profonds réagissent peu à des règles simples telles que les relations classiques entre la biomasse algale et la charge en éléments nutritifs.
D’autre part, la réponse des lacs peu profonds à l’eutrophisation est souvent rapide et catastrophique. Plusieurs lacs sont connus dans le monde pour avoir basculé d’un état clair à un état trouble à plusieurs reprises sans des apports externes soient en cause. C’est pour cette raison que les efforts pour restaurer l’état clair des eaux d’un lac au moyen de la réduction de la charge en éléments nutritifs sont souvent infructueux.
QU’EST-CE QU’UN LAC PEU PROFOND ?
Traditionnellement, la limnologie, soit la science qui étudie les lacs, les étangs et les rivières, s’intéresse principalement aux lacs qui se stratifient en été. Au Québec ce sont les lacs présentant une profondeur moyenne de plus de 5 m à 6 m.
La stratification thermique isole les couches supérieures de l’eau (épilimnion) des eaux profondes plus froides (hypolimnion) et de l’interaction avec les sédiments pendant l’été. L’impact des macrophytes est relativement faible dans ces lacs, car la croissance des plantes est limitée à une zone littorale marginale relativement étroite.
Cette situation est très différente pour les lacs peu profonds. Ce type de lac, où toute la colonne d’eau est fréquemment mélangée, est également appelé polymictique. La profondeur moyenne de la plupart de ces lacs abordés est inférieure à 3 m, mais leur superficie peut varier de moins d’un hectare à plus de 100 km2. L’intense interaction sédiments-eau et l’impact potentiellement important de la végétation aquatique rendent le fonctionnement des lacs peu profonds différent de celui de leurs homologues profonds à bien des égards.
PROTECTION ET RESTAURATION DES LACS
Dans plusieurs régions, les lacs peu profonds sont plus abondants que les lacs profonds. De nombreux lacs peu profonds sont associés aux régions géologiques caractérisées par les sédiments de la mer de Champlain.
PROBLÈMES DE RESTAURATION
L’état originel de la majorité des lacs peu profonds est probablement celui d’une eau claire assortie d’une riche végétation aquatique. Pour toutes sortes de raisons (déboisement intensif, agriculture, urbanisation, exploitation du fer de lac, etc.) la charge en nutriments a changé cette situation dans de nombreux cas. Les lacs sont passés de limpides à troubles, et avec l’augmentation de la turbidité, les plantes submergées ont en grande partie disparu. Bien que la séquence des changements au cours de l’eutrophisation est rarement bien documentée, plusieurs données issues de l’analyse paléoécologique des sédiments de lacs nous amène à formuler de scénarios de plus en plus probables.
Les lacs peu profonds à faible teneur en éléments nutritifs ont généralement une végétation dominée par des plantes relativement petites. Avec l’augmentation de la charge en nutriments, la biomasse des macrophytes aquatiques augmente et les plantes qui remplissent toute la colonne d’eau ou concentrent une grande partie de leur biomasse dans la couche supérieure de l’eau deviennent dominantes.
À ce stade, les herbiers denses sont souvent perçus comme une nuisance par les riverains et les plaisanciers. Lorsque les programmes de lutte contre ces herbiers se mettent en place pour éradiquer ces herbiers, la turbidité dans les lacs peu profonds a tendance à augmenter fortement en raison des proliférations d’algues et de la remise en suspension par le vent des sédiments.
La restauration des lacs peu profonds aux eaux troubles mais non végétalisés est très difficile. La réduction de la charge nutritive peut avoir un effet limité. En effet pendant la période d’eutrophisation, une grande quantité de phosphore a souvent été adsorbée par les sédiments. Lorsque la charge est réduite et que sa concentration dans l’eau diminue, le rejet de phosphore par les sédiments devient une importante source de nutriments pour le phytoplancton. Cette réduction de la charge externe est souvent compensée par une charge interne, retardant la réponse de la concentration en eau du lac à la réduction de la charge externe.
On parle alors de relargage du phospĥore qui s’effectue entre la colonne d’eau et les eaux interstitielles des sédiments.
Cependant, la charge interne n’est pas la seule raison pour laquelle la restauration des lacs peu profonds troubles est difficile. Avec la disparition de la végétation aquatique, la structure de la communauté biologique des lacs peu profonds change radicalement
Les invertébrés associés à la végétation disparaissent et avec eux les animaux les oiseaux et les poissons qui se nourrissent d’eux ou des plantes. De plus, la végétation constitue un refuge important contre la prédation pour de nombreux animaux et, par conséquent, sa disparition entraîne des changements cruciaux dans de nombreuses relations prédateurs-proies.
Le zooplancton utilise la végétation comme refuge de jour contre la prédation des poissons. Dans les lacs végétalisés, ils peuvent contribuer au contrôle de la biomasse phytoplanctonique. En leur absence et avec la disponibilité accrue des éléments nutritifs, la biomasse du phytoplancton s’accroit et vient brouiller les eaux du lac.
Le retour des plantes submergées dans cette situation est peu probable, en partie parce que leur absence aura permis une augmentation de la turbidité, mais aussi parce que la perturbation fréquente des sédiments par le vent et les poissons benthivores entrave physiquement leur réinstallation. Les mécanismes de rétroaction écologique sont donc une raison importante pour laquelle la restauration de l’état des eaux claires végétalisées est difficile. Dans de nombreux cas, la réduction des éléments nutritifs à elle seule peut s’avérer insuffisante pour restaurer l’état clair des lacs peu profonds.
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LACS ET CHALETS